Blockbuster

Le blockbuster, c’est de l’explosif. À l’origine de ce mot il y a la référence militaire à une bombe utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi nommée car elle était capable de détruire un îlot ou bloc d’immeubles. Si l’on devait résumer en une seule image la scène typique d’un blockbuster, ce serait peut-être celle d’une bombe qui fait tout sauter. Mais les déflagrations dont il s’agit dans ce livre ne sont pas uniquement celles que racontent les films. Produit cinématographique adressé au plus large public possible, confectionné grâce à d’immenses investissements financiers, le blockbuster lui-même se diffracte à travers le marché global sous forme de produits dérivés (T-shirts, figurines et autres gadgets). Le blockbuster ressemble à une bombe à fragmentation qui explose en se propageant, tel un atomiseur vaporisant son contenu et pulvérisant l’objet filmique dans des contextes de consommation marchande qui n’ont plus rien à voir avec le cinéma. Neuf auteurs, philosophes et critiques de cinéma, se penchent sur quelques blockbusters de leur choix. À chaque fois, ce sont les films eux-mêmes qui dynamitent la pensée et l’entraînent dans des directions inattendues.

Penser le néocapitalisme

Depuis les années 1980, un nouveau type d’organisation économique s’est imposé à nos sociétés, porté par les idéologies et les politiques néolibérales, soutenu par la mondialisation : le néocapitalisme. Si de nombreux travaux ont examiné les causes et les effets d’une telle mutation, Stéphane Haber propose une enquête critique plus générale sur les concepts et les hypothèses guidant l’analyse des formes et des forces à l’œuvre dans la phase actuelle du capitalisme : quels sont les traits spécifiques du néocapitalisme ? Quelle ontologie sociale se trouve impliquée dans la mise en évidence de ses tendances propres ? Sur quelles bases peut s’appuyer la critique de ce néocapitalisme ? En fin de compte, l’ambition de dépasser le capitalisme reste-t-elle légitime ? Toutes ces questions travaillent profondément la théorie sociale contemporaine. Il s’agit ici de prouver, pour renouveler la philosophie politique, que la stratégie théorique la plus féconde consiste à comprendre le capitalisme et le néocapitalisme en fonction du modèle des puissances aliénées, détachées de la vie et poursuivant aveuglément leur propre expansion. Mais, bien que ces puissances réclament et obtiennent de nombreuses complicités du côté de la vie, elles ne forment pas encore un système absolu qui ne laisserait plus aucune place à l’action et à la liberté.

Stéphane Haber

Stéphane Haber est professeur à l’Université Paris-Ouest-Nanterre. Il a récemment publié L’Aliénation (PUF, 2007), L’Homme dépossédé (CNRS Éditions, 2009), Freud sociologue (Le Bord de l’eau, 2012) et Freud et la théorie sociale (La Dispute, 2012).

Fantômas !

Histoire culturelle d’un héros sériel.
Fantômas ! Ce nom a traversé le XXe siècle, contribuant à brouiller les lignes qui dessinent et scindent le monde de la création et des arts. À bien des égards, Pierre Souvestre et Marcel Allain, ses géniteurs, ont enfanté en 1911 une oeuvre monstre. Son gabarit, le réseau de fictions criminelles qu’elle a initié et son héros sont, littéralement, hors-normes.
Fantômas, revers obscur et grimaçant de notre monde, y invente, page après page, une violence sans visage, sans motivations et sans signification apparente.
Née dans la première collection de livres bon marché, la série des Fantômas a fasciné les avant-gardes des années 1920-1930, qui en ont loué le génie créatif et la puissance subversive. Le mythe du criminel voleur d’identités, tueur cruel, virtuose de la mise en scène morbide, a inspiré tableaux, films expérimentaux, textes poétiques et polémiques.
Jamais l’histoire de cette figure centrale de la France contemporaine n’avait été écrite à partir des archives de ses premiers auteurs, vampirisés par leur propre créature. Nourri par un travail de collecte inédit, cet ouvrage propose de relire Fantômas à la lumière des travaux qui ont questionné de manière décisive ces dernières années la place des fictions dans les sociétés contemporaines. Ici, la trajectoire du « Génie du crime » éclaire la structuration du champ littéraire, divisé entre littérature légitime et productions de grande consommation. Consacrant la toute-puissance de l’information et des faits divers, que Souvestre et Allain ont directement recyclés dans leurs romans, l’oeuvre apparaît bien comme « l’Enéide des temps modernes » que Blaise Cendrars a voulu y voir. La modernité du xxe siècle naissant y est, il est vrai, partout : grands magasins, chirurgie plastique, nouvelles techniques policières…
Comprend 20 illustrations couleur et 30 illustrations noir et blanc.

Loïc Artiaga

Loïc Artiaga est maître de conférences à l’Université de Limoges. Spécialiste d’histoire culturelle, il a publié Des Torrents de papier (PULIM, 2007), dirigé Le Roman populaire (Autrement, 2008) et préparé l’exposition virtuelle « Fantômas et l’Européenne du crime ». Il est l’auteur, avec Matthieu Letourneux, de Fantômas. Biographie d’un criminel imaginaire (Les Prairies ordinaires, 2013).

Petit manuel de torture à l’usage des femmes-soldats

Un musulman détenu à Abou Ghraïb ou à Guantanamo. Une femme-soldat mettant son zèle militaire et sa féminité au service de la Guerre contre le Terrorisme. Des manuels de l’armée sur la coercition du prisonnier, et des consignes implicites sur les « tactiques sexuelles » qu’on peut employer. Tels sont les éléments de l’interrogatoire en tant que dispositif politique. Après ceux qui firent scandale en 2004, où des violences sexuelles furent exercées par des femmes, l’artiste Coco Fusco a suivi une formation militaire à l’interrogatoire, dépouillé les archives de l’armée et du FBI, et navigué dans le vertige de forums et d’images consacrés à des actes de torture sexuelle. Ce qu’elle en ressort nous confronte non seulement à « l’état d’exception » américain et au rapport des femmes au pouvoir, mais aussi à l’énigme de la domination. Cheminant de Susan Sontag à Virginia Woolf, Coco Fusco réenvisage la question de la guerre en deça et au-delà de la différence sexuelle.

Coco Fusco

Coco Fusco est artiste et curatrice. Elle est aussi professeure à Columbia University, et l’auteure de plusieurs livres, parmi lesquels English is Broken Here: Notes in Cultural Fusion in the Americas et The Bodies that were not Ours.

La Femme unidimensionnelle

Aujourd’hui, le féminisme est partout, prétexte à vendre tout et n’importe quoi, des vibromasseurs aux chaussures de luxe, en passant bien entendu par soi-même. Comment ce qui était jadis une pratique utopique et révolutionnaire a-t-il pu devenir un discours hégémonique parfaitement adapté aux exigences du marché ? Comment ses ennemis d’hier ont-ils pu se l’approprier ? L’auteure analyse de façon claire, vivante et concise ce féminisme cheval de Troie du néolibéralisme, et souligne qu’il participe d’un processus global de marchandisation : après la femme-objet, voici la femme-marchandise ! Sous couvert d’émancipation, les femmes se trouvent enfermées dans une nouvelle forme d’essentialisation et de servitude. Ce livre montre que l’unidimensionnalité n’est pas une fatalité, et que le combat féministe se trouve non pas derrière nous, mais devant nous.

Brève histoire des cahiers du cinéma

Comment les Cahiers du cinéma, naguère la plus grande revue de cinéma du monde, ont-ils pu devenir un simple guide du consommateur, impossible à distinguer de n’importe quel autre magazine ? Où sont donc passées la vision et la passion qui les avaient animés? Émilie Bickerton raconte l’aventure de cette publication, depuis sa naissance glorieuse, en 1951, jusqu’à son interminable agonie. Ses fondateurs nourrissaient l’ambition immense d’élever le cinéma au rang d’art à part entière et de prouver qu’Alfred Hitchcock, Howard Hawks ou Nicholas Ray étaient les égaux des plus grands peintres et romanciers. L’entreprise fut un succès, et la critique devint une autre manière de faire du cinéma, avant que certains rédacteurs de la revue, comme Jean-Luc Godard, François Truffaut ou Éric Rohmer, ne passent eux-mêmes à la réalisation. Il y eut bien d’autres moments forts : la revue joua une part active dans l’élaboration d’une théorie du cinéma, s’ouvrit aux pensées nouvelles comme le structuralisme ou la psychanalyse lacanienne, envisagea le cinéma comme un art politique, au point de renier la « politique des auteurs » qui avait fait sa fortune, et, au plus fort de sa période maoïste, de désavouer le cinéma lui-même. Ces zig-zags, ces hésitations, ces redéfinitions sont certes le reflet des différentes époques qu’elle a traversées, mais ils témoignent surtout d’un constant désir de se réinventer et d’agir sur le cinéma en train de se faire. À partir des années 1980, ce désir disparaît : les Cahiers s’accrochent à un auteurisme vide, renoncent aux idéaux qui les avaient guidés, délaissent le travail critique, épousent le monde comme il va. En faisant l’histoire des Cahiers, de leurs réussites et de leurs échecs, de leur grandeur et de leur décadence, ce livre propose une réflexion nécessaire sur le destin de la critique en général : partout et nulle part à la fois, elle se traîne, sans idées ni projet. Or qu’est-ce qu’une critique digne de ce nom sinon une intervention sur l’époque elle-même ?

Les années rouges

On a dit tout et n’importe quoi à propos du maoïsme d’Alain Badiou, mais qui a lu Théorie de la contradiction, De l’idéologie et Le Noyau rationnel de la dialectique hégélienne ? Les Années rouges, qui réunit pour la première fois ces trois ouvrages, propose de revenir sur ce moment méconnu de la carrière de Badiou. À présent que l’auteur est pleinement entré dans l’histoire de la philosophie, il convenait de combler une lacune en permettant aux lecteurs contemporains de comprendre la trajectoire qui l’a conduit du Concept de modèle à l’élaboration de Théorie du sujet. Mais il s’agissait surtout de montrer que, dans l’œuvre de Badiou, la polémique n’a jamais été séparable de la philosophie et travaille la philosophie de l’intérieur. La pérennité du maoïsme réside sans doute ici : dans un engagement de la philosophie au présent, visant à en dégager la nouveauté et les lignes de fracture. À l’opposé des divers retours de la philosophie politique qui ont dominé les dernières décennies, Badiou montre que la philosophie, y compris la plus spéculative et la plus métaphysique, est en soi politique. Revenir sur les années rouges et le moment maoïste, c’est donc aussi renouer avec un geste, réactiver une époque que les défenseurs de l’ordre néolibéral auraient préféré ne voir jamais reparaître.