Working

Publié pour la première fois en 1974, Working [Le Boulot] est sans doute l’un des livres les plus connus de Studs Terkel. Composé de près de soixante-dix entretiens, il donne notamment la parole à un comédien, une réceptionniste, un éboueur, un releveur de compteurs à gaz, un critique de cinéma, un joueur de base-ball, un directeur de société, un fossoyeur, un prêtre, un professeur, un policier, un accordeur de pianos, une prostituée, un bibliothécaire, une enseignante, une garde-malade, un propriétaire de station-service, un courtier, un musicien de jazz, un grutier et le président d’une chaîne de radio. Tous parlent de leur expérience du travail, des sentiments qu’il leur inspire, avec la liberté, la verve et l’intelligence, mais aussi la lucidité, l’humour ou encore la gravité que Studs Terkel partage avec les personnes qu’il interviewe. Working est ainsi un témoignage d’une qualité exceptionnelle sur l’histoire sociale des États-Unis et sur la réalité et les transformations du travail dans le monde contemporain.

« La Bonne Guerre »

Studs Terkel est né en 1912. Il a grandi et fait ses études à Chicago. Monstre sacré du journalisme radiophonique, il est l’auteur de onze livres d’histoire orale, dont Working. Histoires orales du travail aux États-Unis et Hard Times. Histoires orales de la Grande Dépression. La touche si caractéristique des portraits saisis par Studs Terkel fait de lui une sorte de Walker Evans de l’entretien enregistré, qui offre à ses lecteurs un tableau inédit du XXsiècle et des États-Unis d’Amérique.
Les quarante-sept entretiens réunis dans « La Bonne Guerre » donnent la parole à autant de protagonistes, connus ou inconnus, de la Seconde Guerre mondiale, qui évoquent leur expérience de la guerre avec la gravité, l’intelligence, la lucidité mais aussi parfois l’humour que Studs Terkel partage avec les personnes qu’il interviewe. « La Bonne Guerre », livre pour lequel Studs Terkel a reçu le prix Pulitzer, est ainsi un témoignage d’une qualité exceptionnelle sur l’histoire du conflit qui a marqué de son empreinte toute la période contemporaine.

Le Corps d’exception

Dans Le Corps d’exception, Sidi Mohammed Barkat propose une analyse rigoureuse de l’indigénat et du système colonial, qui permet de rendre compte de la violence dont le corps des colonisés a pu faire l’objet, notamment lors des massacres du 8 mai 1945 et du 17 octobre 1961, mais aussi d’apporter des éléments de réponse à la question de la permanence des dispositifs institutionnels et politiques du colonialisme français. Pour lui, les colonisés ont été institués comme « corps d’exception » : le corps d’exception est d’abord une image -, l’image de corps sans raison, réputés dangereux, indignes de la qualité de citoyen, mais cependant membres de la nation française, inclus dans le corps social en tant qu’exclus, soumis à un régime légal d’exception permanente établissant au cœur de l’État de droit une suspension du principe d’égalité. Cette réduction des colonisés à des corps simplement organiques et déshumanisés, ainsi que leur exclusion de la sphère politique, ont rendu pensable et possible leur transformation en corps indifférenciés pouvant être mis à mort arbitrairement, au moment précis où ils prétendaient apparaître dans l’espace public comme des sujets porteurs du droit d’avoir des droits. C’est bien sûr l’actualité de cette histoire que Sidi Mohammed Barkat vise au travers de ses analyses.

La Révolte des banlieues

Cet essai explore, à propos des émeutes de l’automne 2005, une hypothèse, celle du conte d’Andersen « Les habits neufs de l’empereur ». Et si les émeutiers de novembre avaient montré que la République et son modèle, dont on nous vante les mérites à venir ou perdus, est aussi nue que l’empereur d’Andersen ?

Ne serait-ce que pour avoir contraint la République à se regarder toute nue dans la glace, malgré les quelques tailleurs habiles et escrocs qui continuent de vanter ses merveilleux habits, ces émeutiers prétendument « insignifiants » méritent notre respect et l’amnistie qui va à toute révolte qui fait avancer la société. Car, dans une démocratie inachevée, il faut défendre la société.

Histoire de New York

Publié pour la première fois en 1809 sous le nom d’auteur fictif de Diedrick Knickerbocker, Histoire de New York connut immédiatement un immense succès et fit de Washington Irving le premier écrivain américain de renommée internationale ; il constitue en cela l’acte de naissance officiel de la littérature américaine. Walter Scott confessait avoir ri à s’en tenir les côtes en le lisant : c’est qu’Histoire de New York, dans lequel Irving s’attache à démythifier les origines des États-Unis, oscille entre ironie mordante et comique exubérant ; il y parodie le style pédant des historiens et caricature à traits vigoureux les grandes figures politiques de son temps. C’est l’occasion de découvrir une époque méconnue de New York, celle de sa fondation, mais aussi de saisir les échos de la vie politique des États-Unis au temps de Jefferson. La présente édition est une version révisée d’une traduction française anonyme de 1827, pour la première fois rééditée, et augmentée pour tenir compte de modifications apportées ultérieurement par Washington Irving.

Texte établi par Valentin Fonteray

Billy Budd Matelot

Billy Budd a pour figure centrale un matelot à la beauté éclatante, enrôlé de force sur un vaisseau de la marine britannique à l’époque de la Révolution française, qui doit successivement faire face à la haine inexpiable que lui voue Claggart, le maître d’armes chargé de la police de l’équipage, et à la justice inflexible du commandant du navire, le capitaine Vere. Dans ce récit, traversé par un homo-érotisme évident, décrivant des relations de pouvoir saturées dans un univers exclusivement masculin, Melville met en scène, avec le personnage de Billy Budd, une Antigone moderne qui, dans l’adversité, est frappée de mutisme.

Cette nouvelle traduction s’efforce de rester au plus près de la langue si singulière de Melville, de ne pas lui substituer la « belle » langue de la traduction, et de restituer pour le lecteur francophone sa beauté baroque, sans effacer ce qui dans le texte souligne sa dimension politique et le désir homosexuel qui le parcourt. Elle s’appuie de plus sur une version originale du texte, qui rend compte de son caractère inachevé, et est suivie d’une postface ainsi que de nombreuses notes éclairant les allusions et références qui ponctuent le récit.

GlobAL

Selon Antonio Negri et Giuseppe Cocco, comme le montre exemplairement la situation latino-américaine, nous vivons aujourd’hui un interrègne historique caractérisé par la crise du pouvoir souverain, crise comparable à celle qui marqua le passage de l’époque médiévale aux temps modernes. Cette situation exige de nous que nous nous libérions de tous les dogmatismes, y compris de ceux qui se présentent comme « révolutionnaires ».

À l’opposé des commentateurs qui voient dans les mouvements politiques latino-américains qui ont porté Lula, Kirschner, Chávez et Evo Morales au pouvoir le symbole d’un renouveau triomphal de la perspective « nationale-développementiste » de l’anti-impérialisme classique ou qui leur reprochent au contraire leur supposée pusillanimité, Negri et Cocco avancent l’hypothèse selon laquelle le problème qui s’impose aujourd’hui aux pays latino-américains n’est pas de relancer les politiques de développement économique « nationalistes ». Il s’agit plutôt, d’une part, de gouverner l’interdépendance qui constitue la réalité nouvelle de l’Amérique latine à l’heure de la mondialisation et, d’autre part, de maximiser l’autonomie et la puissance d’agir des mouvements populaires et indigènes inédits qui s’y sont épanouis.

Prolongeant, illustrant et précisant les analyses développées précédemment par Michael Hardt et Antonio Negri dans Empire et Multitude, les auteurs de GlobAL nous permettent de saisir avec force ce qui aujourd’hui se joue d’essentiel en Amérique latine pour notre monde.

Politiques des multitudes

En collaboration avec la revue Multitudes

Biopolitique, capitalisme cognitif, expérimentation, différentialisme, hacktivisme, Empire, multitude(s), postmédia, postcolonial… Voilà des mots qui s’invitent aujourd’hui dans la pensée et le débat public.

Voilà quelques-uns des concepts déployés depuis sa création, en l’an 2000, dans la revue Multitudes, revue dont cette anthologie propose un formidable échantillon : ses 600 pages regroupent, organisées en vingt-trois rubriques, quatre-vingt-dix contributions, rédigées ou créées par soixante-neuf auteurs et artistes différents, afin de rendre compte du travail accompli à ce jour par les collaborateurs occasionnels et réguliers de Multitudes.

L’ensemble, accompagné d’une sélection d’articles disponibles sur le site Internet Multitudes Web, constitue une manière d’introduction au contemporain dans les domaines artistique, philosophique et politique, et une fenêtre ouverte sur la culture numérique qui émerge aujourd’hui.

Il s’agit ici de se porter aux frontières de la recherche et de l’innovation intellectuelle et politique. Il s’agit de penser les transformations du temps présent. Des mots nouveaux – postcommuniste, postsocialiste, postcolonial – viennent donc nommer dans ces pages des situations nouvelles, sans jamais céder pour autant à la confusion du postmoderne.

En bref, le lecteur trouvera dans Politiques des multitudes un aperçu incisif de ce qui se bricole dans la tête des uns et des autres à l’âge de l’Empire.

Épistémologie du placard

Lorsqu’il fut publié pour la première fois aux États-Unis en 1990, Épistémologie du placard devint immédiatement un classique qui, aux côtés des travaux de Judith Butler et de Teresa de Lauretis, posa les termes de la « théorie queer ». À mi-chemin entre les études féministes et les gay and lesbian studies, Eve Kosofsky Sedgwick déconstruit la sexualité comme Butler le genre. Dans cet ouvrage de référence, elle affirme que l’ensemble de la culture occidentale moderne s’articule autour de l’opposition homo/hétérosexuel et que celle-ci affecte les binarismes qui structurent l’épistémologie contemporaine, de savoir/ignorance à privé/public en passant par santé/maladie.

S’appuyant sur de nombreux textes datant de la fin du XIXe et du début du XXe siècles (Wilde, Proust, Nietzsche, Melville et James), l’auteur traque l’émergence des nouveaux discours institutionnels médicaux, juridiques, littéraires et psychologiques, qui produiront en miroir les figures de « l’homosexuel » et de « l’hétérosexuel », au détriment des multiples différences au cœur des sexualités.

Antonella Corsani

Antonella Corsani est maître de conférences en économie à l’université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne, et fait partie de l’équipe de recherche MATISSE du Centre d’Économie de la Sorbonne (CES UMR 8174). Ses recherches portent sur le capitalisme cognitif, le revenu garanti et « travail et précarité ». Elle est membre fondateur de la revue Multitudes.