Intermittents et précaires

Depuis 1992, les Coordinations des intermittents du spectacle se sont construites autour d’un constat et d’une revendication : la discontinuité de l’emploi qui caractérise le secteur du spectacle concerne un nombre grandissant de travailleurs et pas uniquement les artistes et les techniciens du cinéma, du théâtre, de la télévision, du cirque, de la danse, etc. Pour combattre la précarisation et la paupérisation de couches de plus en plus importantes de la population, le régime de l’intermittence doit être élargi à tous les travailleurs soumis à la flexibilité de l’emploi.

C’est avec le mouvement social qui a marqué la scène politique de juin 2003 à avril 2007 que, pour la première fois, le mot précaire fait son entrée dans l’espace public. Les intermittents en lutte assument, jusque dans le nom qu’ils se donnent, le fait d’être à la fois « intermittents » et « précaires ». La Coordination des Intermittents et Précaires a ainsi porté à un niveau supérieur le conflit en le déplaçant sur un terrain politique. En démontrant que le travail déborde l’emploi, que le temps de chômage est aussi un temps d’activité, que ces activités restent invisibles à l’entreprise et aux institutions, les intermittents se battent pour des « nouveaux droits sociaux », pour la continuité des droits et du revenu en situation de discontinuité de l’emploi, plutôt que pour l’emploi à plein temps.

Ce livre retrace la genèse, les développements et les résultats d’une recherche qui a été le fruit d’une coopération et d’une coproduction entre « savants » et « profanes », entre des chercheurs universitaires et les militants des collectifs et des coordinations.

Monique Wittig

Monique Wittig (1935-2003) est l’auteur de romans (comme L’Opoponax, prix Médicis), de pièces de théâtre et d’essais. Elle fut l’une des fondatrices du Mouvement de libération des femmes, et de celles qui, le 26 août 1970, déposèrent à l’Arc de triomphe une gerbe à la femme du soldat inconnu. Au cœur du conflit qui mena à la dissolution de l’association Questions Féministes en 1981, sa pensée reste centrale dans les débats qui traversent les théories féministes et la pensée queer, notamment à travers le travail de Judith Butler. Elle a été professeur, entre autre, dans le département des Women’s Studies à l’université d’Arizona, à Tucson.

Le Foulard islamique en questions

Ce recueil d’interventions s’adresse à tous ceux qui souhaitent en savoir un peu plus sur la réalité du foulard en France et les enjeux véritables de la polémique qui, depuis 1989, est régulièrement relancée. Les auteurs, dont plusieurs sont spécialistes du sujet, partagent un même désir de dépassionner les débats et un même refus des manipulations démagogiques. Ils visent à jeter sur la laïcité et le port du foulard un éclairage politique, sociologique et historique, et à mettre en évidence leur profonde ambiguïté. Ils s’attachent aussi à analyser les mécanismes qui contribuent à la production d’un « problème » du foulard en France aujourd’hui. Ce sont nos conceptions et nos représentations de la démocratie, de la laïcité, mais aussi du féminisme et de l’islam, qui se trouvent ainsi discutées et mises en question. Ce livre constitue une précieuse synthèse, en même temps qu’une contribution originale au débat.

Textes de : Étienne Balibar, Sidi Mohammed Barkat, Saïd Bouamama, Pierre Bourdieu, Houria Bouteldja, Dounia Bouzar, Christine Delphy, Jean-Pierre Dubois, Driss El Yazami, Françoise Gaspard, Nilüfer Göle, Catherine Grupper, Nacira Guénif-Souilamas, Faride Hamana, Azadeh Kian-Thiébaut, Farhad Khosrokavar, Laurent Lévy, Charlotte Nordmann, Bertrand Ogilvie, Todd Shepard, Emmanuel Terray, Pierre Tévanian, Pierre Tournemire, Jérôme Vidal.

Mai 68

Mai 68 et ses stars ont quelque peu éclipsé ceux qui, sur leur lieu de travail ou dans leur quartier, ont voulu vivre la révolution au quotidien. En prenant délibérément le contre-pied de la personnalisation, Nicolas Daum est parti à la recherche de ses anciens compagnons du comité d’action du IIIe arrondissement de Paris. Témoin et acteur anonyme, il revendique, avec eux et pour eux, la part de ceux qui ont forgé et véhiculé les valeurs du mouvement.
Témoins privilégiés de l’histoire, dix-neuf personnes racontent leur action et leur engagement, leurs motivations profondes, qu’elles soient politiques ou personnelles, ou même le hasard qui les a conduit à se retrouver.
Analyse détachée et critique pour certains, encore passionnelle pour d’autres, ces témoignages lucides, émouvants et parfois pleins d’humour apportent un éclairage nouveau sur quelques années intenses, qui, d’une manière ou d’une autre, ont laissé des traces.

Devenir média

La politique sortira-t-elle indemne de sa confrontation à Internet ne servant qu’à « outiller » la démocratie ? Au-delà d’une approche étroite pour laquelle un outil technologique ou un média viserait à « ré-enchanter la démocratie », ce livre tente de montrer qu’Internet apparaît surtout comme un espace d’expérimentation politique articulant constamment « la rue et le cyberespace ».

Pour toute une série d’activistes de par le monde, tous orphelins de la politique (altermondialistes, militants de la cause des sans-papiers, mouvements écologistes et anti-consuméristes, activistes de l’anti-copyright ou du logiciel libre, etc.), Internet constitue un véritable laboratoire dans lequel on cherche moins à « faire mal » et à « faire nombre » qu’à « faire sens ». Ce laboratoire d’expérimentation politique – dans lequel chacun cherche à « maîtriser sa parole de bout en bout » – permet de renouveler les causes, de reconfigurer les répertoires d’action de l’action politique, leurs intrigues narratives et leurs dramaturgies esthétiques au point que l’on peut parler d’un véritable « médiascape » dans lequel se construit un nouvel imaginaire politique à l’échelon mondial.

Croisant les apports de la science politique et de la communication, de la sociologie pragmatique et des théories critiques de l’action collective, cette somme s’attache à récapituler les grandes étapes de l’activisme sur Internet au cours des dix dernières années (1995-2005) dans différentes régions du monde et à les situer dans leurs héritages culturels et historiques, du cinéma expérimental aux expériences des radios pirates en passant par les tactical media ou les situationnistes.

Olivier Blondeau

Olivier Blondeau est Docteur de l’Institut d’Études Politiques de Paris et ATER en Sciences de l’Information et de la Communication. Il a publié avec Florent Latrive Libres enfants du savoir numérique. Anthologie du Libre aux Éditions de l’Éclat (Mars 2000).

Prothèses lunatiques

Les lunettes permettent à ceux qui ne voyaient plus, ou mal, de recouvrer la vue. C’est un fait. Et l’on pourrait penser a priori que c’est un bienfait. Mais il n’en est rien. Car on oublie de dire que, dans bien des cas, le remède peut s’avérer pire que le mal…

Partant de ce constat médical qui se développe particulièrement dans les années 1930, cet ouvrage d’archéologie visuelle creuse une logique de pensée, simple, mais oubliée ou occultée, selon laquelle les techniques compensatoires se retournent en fait contre ce qu’elles sont censées suppléer.

Une telle façon de penser est largement soumise aux fantasmes : Breughel, Callot, Rowlandson, Degas, Hoffmann, Poe, Huxley ou même le Dr Bates ont développé, chacun à leur manière, une méfiance à l’égard des lunettes. Mais ces fantasmes, à l’égal de la caricature ou du lieu commun, nous rappellent à tous, en définitive, que ces « précieuses béquilles » ne constituent pas toujours une seconde nature. À travers l’histoire des lunettes et de leur représentation, c’est donc à une véritable réflexion sur la notion de prothèse que nous convie cet ouvrage. Et, à travers la science, la sociologie, l’histoire, la littérature et l’art, ces lentilles philosophiques nous révèlent donc quelque chose de notre rapport au monde.

Transaction

« Les foiblesses des grands hommes donnent le ton et marchent à côté des vertus qui les rachètent ; la flatterie souffle la domination et fomente la licence ; tout égare la multitude séduite par l’exemple : comment assujettir la contagion qui se meut par tant de contrastes ? Le voici : ce qu’un gouvernement n’ose faire, l’Architecte l’affronte ; celui qui s’est fait un jeu d’animer des surfaces pierreuses ; celui qui a appelé toutes les formes pour les contraster ; celui qui a hazardé son usufruit placé sur l’art, peut bien engager aussi le fonds. Il fixera les imaginations vagabondes sur un monument qui éveille le pressentiment de la pudeur, et dans ses combinaisons il détruira les abus consentis. Semblable à l’astre du jour, quand il s’est baigné dans les flots de l’océan, pour purifier ses rayons brûlants, il transige avec la profondeur des mers pour reprendre en sortant un nouvel éclat. » (Claude-Nicolas Ledoux, l’Architecture, p. 199.)

Comment faire d’un bordel pseudo-grec à plan phallique le lieu d’une réflexion édifiante ? Tel est le rêve architectural de Ledoux, pour qui l’architecte doit édifier la société tout entière.

Le texte de son Architecture, souvent considéré comme délirant, a sa logique, qu’il convient d’édifier à son tour. C’est une logique onirique. Transaction est la deuxième partie d’un triptyque consacré au rêve : la première touche à l’Aurélia de Nerval, la troisième au rêve créateur et à la représentation du rêve. Le titre générique (Fleurs de rêve) est une citation inconsciente de Rimbaud, retrouvée en rêve : « les fleurs de rêve tintent, éclatent, éclairent » (Enfance).

Simon Tyssot de Patot

Philosophe huguenot originaire de Normandie, installé aux Pays-Bas, à Delft puis à Deventer, Simon Tyssot de Patot (1655-1738) rechercha toute sa vie la reconnaissance de la République des Lettres, sans jamais l’obtenir. Ayant dans ses derniers écrits, publiés sous son nom, manifesté ouvertement, sans doute en partie par provocation, un intérêt trop marqué pour les thèses de Spinoza, il fut accusé d’athéisme, d’obscénité et de spinozisme, chassé de la communauté réformée et banni de Deventer, ce qui le condamna à une existence misérable qu’il passa à tenter de racheter sa faute aux yeux de ceux qui l’avaient réprouvé.

Voyages et aventures de Jacques Massé

Sans doute le plus célèbre des romans d’initiation spinozistes, Voyages et aventures de Jacques Massé, publié anonymement en 1714, met en scène un catholique qui, après la mort de ses parents, évolue pendant un temps dans les cercles cartésiens parisiens, avant de s’embarquer sur un navire comme chirurgien, à la recherche d’aventures. Commence alors pour Jacques un cheminement qui le conduira du catholicisme au déisme, puis à l’athéisme. Sur la route des Indes orientales, son bateau fait naufrage à environ mille lieues de Sainte-Hélène, au large d’un paradis terrestre où prospère une société harmonieuse et pacifique. Là, Jacques passe cinq ans, au cours desquels il découvre les mœurs et les coutumes des habitants de ce monde utopique, organisé selon les principes d’une philosophie rationnelle et matérialiste. Tyssot signe ici une œuvre qui brille autant par son inventivité romanesque que par la hardiesse de son engagement philosophique.

Éric Maigret

Éric Maigret, chercheur au laboratoire « Communication et politique », maître de conférence en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris III, est notamment l’auteur de Penser les médiacultures : Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde (avec Éric Macé).

Éric Macé

Éric Macé, chercheur au CADIS, maître de conférence à l’université de la Sorbonne nouvelle, dirige à l’EHESS un séminaire intitulé « Les imaginaires sociaux de masse ». Il est notamment l’auteur de Les Imaginaires médiatiques. Une sociologie postcritique des médias.