Stuart Hall

Né en 1932 à Kingston, en Jamaïque, Stuart Hall est une des figures les plus marquantes du monde anglophone. Il s’est d’abord illustré à Oxford dans les années 1950, en fondant avec Raymond Williams la New Left Review, revue d’inspiration marxiste qui a puissamment contribué au renouveau de la pensée socialiste et critique. Dans les années 1960 et 1970, il a assuré la direction du Center for Contemporary Cultural Studies de Birmingham, tête de pont des cultural studies qui ont profondément transformé la pratique des sciences sociales en Grande-Bretagne, puis aux États-Unis. Il a également contribué à l’essor des études postcoloniales en menant une réflexion, en partie autobiographique, sur la représentation des minorités noires au Royaume-Uni.

L’entretien conduit par Mark Alizart qui constitue le cœur de ce livre, réalisé à l’occasion de l’exposition Africa Remix au Centre Pompidou en 2005, en partenariat avec le musée du quai Branly, est précédé d’une biographie intellectuelle introductive, rédigée par Éric Macé et Éric Maigret, qui souligne l’actualité de Stuart Hall et les enjeux de sa traduction en France, et est accompagné d’une bibliographie commentée.

Ce livre à plusieurs voix voudrait ainsi rendre justice à une œuvre fondamentale – située au cœur de la conjoncture et des débats contemporains sur la culture, les médias, les identités, la postcolonialité et la mondialisation – en la donnant à lire pour la première fois au public francophone. Il inaugure la collection « Méthéoriques », destinée à travers essais et entretiens à faciliter l’accès des lecteurs aux travaux des théoriciens critiques de notre temps, et est publié parallèlement à Identités et Cultures. Politique des cultural studies, un recueil d’écrits de Stuart Hall parmi les plus importants, réunis par Maxime Cervulle en collaboration avec leur auteur.

En partenariat avec le Centre Georges Pompidou et le Musée du quai Branly.

Le capitalisme cognitif

Notre époque n’est assurément pas celle d’une transition vers le socialisme. L’ironie de l’histoire est que, si transition il y a, comme nous le pensons, il s’agit d’une transition vers un nouveau type de capitalisme. De ce point de vue, le socialisme et la gauche semblent en retard d’une révolution. La « mondialisation » actuelle correspond en effet à l’émergence, depuis 1975, d’un troisième type de capitalisme. Celui-ci n’a plus grand chose à voir avec le capitalisme industriel qui, à sa naissance (1750-1820), rompit avec le capitalisme mercantiliste et esclavagiste. L’objectif de ce premier volume de la collection Multitudes/Idées est de décrire et d’expliquer de façon claire et accessible les caractéristiques de ce troisième âge du capitalisme.

Pour analyser la Nouvelle Grande Transformation à laquelle nous assistons, nous nous proposons d’exposer le contenu d’un programme de recherche que résume l’expression de « capitalisme cognitif ». Bien que cette notion constitue une hypothèse de travail, elle fournit selon nous d’ores et déjà quelques idées directrices fondamentales, mais aussi des points de repères indispensables pour l’action. L’économie politique qui naquit avec Adam Smith ne nous permet plus d’appréhender la réalité qui se construit sous nos yeux (ce que sont la valeur, la richesse, la complexité du système de l’économie-monde) – ni a fortiori de traiter les défis qui attendent l’humanité, qu’ils soient écologiques ou sociétaux. Cet essai entend ainsi nous mettre sur le chemin d’une politique et d’une morale provisoires à la hauteur de cette Nouvelle Grande Transfomation.

Cette réédition révisée et augmentée de quelques-uns des débats qui ont suivi la sortie de ce livre, notamment au sein du groupe des économistes du Forum Action Modernités à l’Échangeur. Contributions de François Fourquet, Michel Henoschsberg, Antoine Rébiscoul et Philippe Lemoine, Philippe Aigrain et Olivier Assouly.

Yann Moulier Boutang

Yann Moulier Boutang est directeur de la rédaction de la revue Multitudes et professeur de sciences économiques à l’université de Compiègne. Il est notamment l’auteur de Louis Althusser, une biographie (tome I : La formation du mythe, 1918-1956) et de De l’esclavage au salariat : Économie historique du salariat bridé.

Hard Times

Hard Times nous fait revivre à travers des centaines d’entretiens, transcrits scrupuleusement, souvent hauts en couleur, les souvenirs de ceux qui ont traversé la Crise de 1929 et la Grande Dépression. Comment s’en sont-ils sortis, quelle empreinte la Grande Dépression a-t-elle laissée sur leurs vies, quelles leçons en ont-ils tirées ? Du krach de 1929 aux luttes syndicales, de la difficulté de la vie des fermiers et des migrants aux conséquences du New Deal, des menées du Ku Klux Klan au trafic d’alcool à l’époque de la Prohibition, la diversité des expériences et des points de vue exprimés dessine un monde complexe, marqué par la précarité mais aussi par la solidarité. À maints égards, il évoque celui dans lequel nous entrons aujourd’hui.

« Hard Times n’est pas une « reconstitution » de l’époque de la Grande Dépression, Hard Times ne transforme pas cette époque en objet du passé, en objet d’histoire –Hard Times, c’est cette époque elle-même, son parler, son atmosphère, ses histoires tragiques et comiques. Quiconque souhaite savoir où nous en étions alors et comment nous sommes parvenus là où nous sommes aujourd’hui doit impérativement lire ce livre. » (Arthur Miller)

La présente édition est accompagnée de notes visant à éclairer le contexte culturel et historique, ainsi que d’une sélection des célèbres photographies de Dorothea Lange sur l’Amérique de la Grande Dépression.

Expérimentations politiques

Dans ses précédents livres, Maurizio Lazzarato s’était attaché à proposer une analyse socio-économique du conflit des intermittents, afin de mettre au jour son potentiel de subversion et de critique radicales du paradigme néolibéral du capitalisme contemporain.

Afin de saisir ce que la grille socio-économique laisse inévitablement échapper, il met ici en oeuvre pour analyser ce conflit d’autres approches – dont la critique sociale en France n’a pas encore bien mesuré la pertinence politique et la fécondité heuristique : celles qu’ont élaborées, au cours des années 1960 et 1970, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Félix Guattari ou encore Michel de Certeau, mais aussi les intuitions et les anticipations de Marcel Duchamp et de Franz Kafka sur ce qu’on pourrait appeler un « nouveau partage du sensible ».

Dans la « grande transformation » que nous sommes en train de vivre, il s’agit d’appréhender la difficulté qu’il y a à articuler l’analyse et les modes d’organisation fondés sur les grands dualismes du capital et du travail, de l’économie et du politique, avec l’analyse et les modes d’organisation expérimentés à partir des années 1968, selon une logique de la multiplicité, qui agit souterrainement, transversalement et à côté desdits dualismes.

Ce livre voudrait ainsi contribuer à tracer et à travailler quelques pistes pour remédier à l’impuissance qui découle de cette difficulté – qui est aussi une impasse politique.

Mythocratie

Comment comprendre le « pouvoir doux » (soft power) que mobilisent nos sociétés mass-médiatiques pour conduire nos conduites, pour nous gouverner ? Comment en infléchir les opérations pour en faire des instruments d’émancipation ? Cet ouvrage tente de répondre à ces questions en croisant trois approches. Il synthétise d’abord le nouvel imaginaire du pouvoir qui fait de la circulation des flux de désirs et de croyances la substance propre du pouvoir. Il se demande ensuite ce que peut un récit, et en quoi les ressources du storytelling, qui ont été récemment accaparées par des idéologies réactionnaires, peuvent être réappropriées pour des politiques émancipatrices. Au carrefour des pratiques de narration et des dispositifs de pouvoir, il essaie surtout de définir un type d’activité très particulier : la scénarisation. Mettre en scène une histoire, articuler certaines représentations d’actions selon certains types d’enchaînements, c’est s’efforcer de conduire la conduite de celui qui nous écoute – c’est tenter de scénariser son comportement à venir. C’est ce pouvoir de scénarisation, tel qu’il s’exerce au Journal de 20 heures ou dans la publicité, mais aussi dans nos conversations quotidiennes, qui décide du résultat des élections, des emballements boursiers, des montées du racisme, des contagions d’indignation ou de l’invention collective d’autres mondes possibles. Cet essai tente d’en baliser les contours généraux et d’en suggérer des usages émancipateurs.

Brigate Rosse. Une histoire italienne

Au début des années 1990, Mario Moretti, principal dirigeant des Brigades rouges pendant les années 1970, est incarcéré à Milan. Il accorde alors un long entretien à deux célèbres journalistes italiennes, Carla Mosca et Rossana Rossanda, ancienne dirigeante du Parti communiste italien. Publié pour la première fois en France, ce témoignage unique restitue au plus près l’histoire italienne des « années de plomb », la situation d’exception qui régnait alors, ainsi que le mouvement massif d’insubordination révolutionnaire qui secouait la péninsule transalpine. Tout au long de cette période, l’ordre existant semblait à chaque instant près de vaciller.

De la formation politique des premiers brigadistes dans les usines milanaises à l’arrestation de Moretti, plus de dix années se sont écoulées. En 1978, les Brigades rouges ont organisé l’un des événements majeurs de l’histoire italienne contemporaine : Aldo Moro, chef de la Démocratie chrétienne, promoteur d’un « compromis historique » entre cette dernière et le Parti communiste, est enlevé et exécuté… par Moretti lui-même, qui le reconnaît ici pour la première fois.

Tout au long de cette décennie, les Brigades rouges se sont évertuées, à travers la terrible radicalité du choix politique de la lutte armée, à combattre l’État, le capitalisme et l’exploitation, au nom de la liberté et de l’égalité. Sans compromis ni compromissions. Mais à quel prix ?

À l’heure où le monde semble s’installer de nouveau durablement dans une ère de turbulences et où partout les États mettent en place des législations d’exception au nom de la lutte contre le terrorisme, il importe plus que jamais de revisiter l’histoire italienne des « années de plomb ».

Race

Race revient sur ce qui, que cela soit avoué ou tu, « obsède tout le monde » aux États-Unis : la question de la race, et plus précisément celle des rapports entre Noirs et Blancs. Au cours d’une centaine d’entretiens, Studs Terkel nous propose de tendre l’oreille à des sentiments et des opinions rarement exprimés, concernant la lutte pour les droits civiques, la ségrégation, les préjugés raciaux ou encore les espoirs brisés de la classe moyenne noire. On trouvera dans ce livre des prêtres, des couples interraciaux, des militants des droits civiques et des membres du Ku Klux Klan, le neveu du fondateur de l’Apartheid ou encore la mère d’Emmett Till (dont le meurtre fut l’un des principaux événements à l’origine de la création du Mouvement africain-américain des droits civiques). De confessions racistes en scénarios de rédemption hollywoodiens, Studs Terkel, comme à son habitude, nous bouleverse autant qu’il nous donne à penser.

Ce miroir tendu par Terkel arrive à point nommée en France, à l’heure où les questions et les enjeux relatifs aux « minorités visibles » sont toujours plus pressants et où il devient crucial de prendre la mesure de l’entrelacement complexe des questions raciales et sociales.

Après Working. Histoires orales du travail, La « Bonne Guerre ». Histoires orales de la Seconde Guerre mondiale et Hard Times. Histoires orales de la Grande Dépression, Éditions Amsterdam continue son travail d’introduction en France de l’œuvre de Studs Terkel (1912-2008), l’un des plus grands journalistes de radio qu’aient connu les États-Unis. Race a connu un grand succès lors de sa sortie aux États-Unis en 1992.

Que veulent les gays ?

Les gays sont-ils « malades » ? Pour lutter contre la pathologisation de l’homosexualité, le mouvement de libération gaie nous avait appris à répondre à cette question par un « Non ! » sonore. À la catégorie de subjectivité gaie, il fallait alors substituer celle, collective et politique, d’identité gaie. Mais, avec notamment l’épidémie de VIH/sida, les temps ont changé. Alors que celle-ci n’a toujours pas été jugulée, les comportements à risques d’un certain nombre de gays – en particulier, la pratique du bareback – ont donné lieu à un retour en force des approches médicales de l’homosexualité et réactivé bon nombre de clichés sur la supposée déficience psychique des gays.

Dans ces circonstances, David Halperin montre qu’il est urgent de reposer la question épineuse de « ce que veulent les gays ». L’enjeu est de penser la subjectivité gaie en dehors des catégories normalisatrices de la psychologie et de la psychanalyse, en la situant dans son contexte social.

Halperin se fait ainsi le champion de traditions queer injustement négligées en dépit de leur inventivité. À travers la lecture d’auteurs comme Marcel Jouhandeau ou Jean Genet, il montre comment le stigmate de l’abjection peut être retourné, et permettre à ceux qui en sont les victimes de résister à l’oppression politique. Il ouvre ainsi la voie pour penser la subjectivité gaie selon un modèle alternatif, non psychologique, qui a toute sa pertinence dans une perspective de lutte contre le sida.

David Halperin

David Halperin est titulaire de la chaire W. H. Auden d’histoire et de théorie de la sexualité à l’université du Michigan. Il est le co-fondateur de la revue GLQ. Son Saint Foucault, traduit en français par Didier Eribon (Paris, Epel, 2000), est un des ouvrages majeurs des queer, gay and lesbian studies. Il est également l’auteur de Cent ans d’homosexualité et autres essais sur l’amour grec ; Platon et la réciprocité érotique ; et Oublier Foucault.

Studs Terkel

Louis « Studs » Terkel (1912-2008) est l’auteur de nombreux recueils d’entretiens, dont Hard Times, Working et Race, publiés en anglais par l’éditeur André Schiffrin, qui forment ensemble une monumentale histoire orale et populaire des états-Unis au XXe siècle. C’est l’une des grandes figures de la gauche américaine.

Penser à gauche

Avec la Revue Internationale des Livres et des Idées

Après l’extraordinaire mouvement d’insubordination généralisée des « années 1968 », la gauche a été littéralement défaite par la contrerévolution néolibérale et les réactions conservatrices qui se sont déployées à l’échelle du monde. Avec la crise financière permanente qui s’impose et s’étend, avec l’épuisement des ressources naturelles et les dérèglements climatiques induits par la logique folle du capitalisme, mais aussi avec la reprise des luttes et des contestations, la donne a aujourd’hui changé.

Une constellation d’activistes, d’analystes, de chercheurs et de théoriciens, s’essaye aujourd’hui à réarmer la critique de gauche. Nous n’avons pas affaire ici à une perspective unitaire : tensions, contradictions et polémiques sont au rendez-vous, et elles ne sont pas près de cesser. Penser à gauche, à travers les contributions de nombre de ces penseurs ou la lecture attentive de leurs ouvrages, voudrait offrir à ses lecteurs une sorte d’instantané au moins partiel de cette constellation, permettant de les saisir dans leur diversité et leurs contradictions.

Avec les contributions de : Christian Laval, Giorgio Agamben, Michael Hardt, Frédéric Neyrat, Jan-Frederik Abbeloos, Giuseppe Cocco, Frédéric Neyrat, Charlotte Nordmann, Michael Löwy, Fabrice Flipo, Stéphane Lavignotte, Anselm Jappe, Thomas Coutrot, Delphine Moreau, Antonio Negri, Michael Hardt, Thierry Labica, Razmig Keucheyan, Chantal Mouffe, Marc Saint-Upéry, Nancy Fraser, Étienne Balibar, Peter Hallward, Slavoj Žižek, Daniel Bensaïd, Yves Citton, Isabelle Stengers, Isabelle Garo, François Cusset, Partha Chaterjee, Marie Cuillerai, Lila Abu-Lughod, Nacira Guénif-Souilamas, Maxime Cervulle, Stuart Hall, Maxime Cervulle, Jérôme Vidal, Alberto Toscano, Luc Boltanski, Maurizio Lazzarato, Jérôme Vidal, Jacques Rancière.

Yves Citton

Yves Citton est professeur de littérature à l’université de Grenoble et membre de l’UMR-LIRE (CNRS 5611). Il a publié récemment Mythocratie. Storytelling et imaginaire de gauche (Éditions Amsterdam, 2010), L’Avenir des Humanités (La Découverte, 2010), Lire, interpréter, actualiser (Éditions Amsterdam, 2007) et L’Envers de la liberté (Éditions Amsterdam, 2006). Il est membre du collectif de rédaction de la revue Multitudes. Avec Frédéric Lordon et Laurent Bove, il dirige la collection Caute! chez Éditions Amsterdam.

Zazirocratie

En 1761, Charles Tiphaigne de la Roche, obscur médecin normand, publie l’Empire des Zaziris sur les humains ou la Zazirocratie. Il ne se doute pas que, deux siècles et demi plus tard, son œuvre serait lue comme une géniale radiographie des ambivalences de nos régimes biopolitiques. Les Zaziris, ce sont tous les simulacres qui mobilisent nos désirs vers la Croissance de nos économies consuméristes. La Zazirocratie, c’est un régime qui épuise nos vies à force de vouloir les enrichir.

Ce livre propose une interprétation jubilatoire de cet auteur injustement oublié qui, dès 1760, avait « anticipé » la photographie, la télésurveillance globale, l’hyper-réalité, la digitalisation, les phéromones et les nanotubes. À travers un détour historique et littéraire, ce curieux voyage offre une introduction enjouée à l’analyse biopolitique des sociétés contemporaines. Il esquisse une vision du monde qui tient à la fois de la voyance et de la cartographie, pénétrant les logiques constitutives de notre monde de flux. Il fait surtout apparaître que notre imaginaire de la Croissance est hanté par un modèle végétal qui nous aveugle à la tâche primordiale de notre époque : non tant abattre l’idole de la Croissance que se donner les moyens de l’arraisonner et de la réorienter.