La part commune

L’accaparement privatif des richesses porté par le libéralisme économique a creusé les inégalités et contribué à la crise environnementale. Cet ouvrage reprend le problème à la racine pour proposer une déconstruction de l’absolutisme propriétaire. Pierre Crétois retrace et critique toute la tradition qui, depuis la Renaissance, a fait de la propriété privée l’élément fondateur de nos sociétés en l’érigeant comme le droit naturel le plus crucial. Cette vision est si hégémonique qu’elle semble relever de l’évidence. Mais elle méconnaît le fait qu’il n’a jamais existé de propriété absolument privée. Les choses, loin d’être appropriables en tant que telles, sont des lieux où se rencontrent des existences et des activités individuelles et collectives. Le propriétaire en son domaine n’est qu’un membre de la communauté et de l’écosystème dont il dépend.
Dans un geste démystificateur, Pierre Crétois montre qu’il y a toujours une part commune dans ce qui est propre à chacun. Au cœur de la politique se niche la propriété : mieux, sa transformation est la condition de l’émancipation humaine.

L’hypothèse autonome

Multiplication des zones à défendre, résurgence du black bloc, insurrection des gilets jaunes : la France contemporaine est le théâtre d’importants conflits sociaux et politiques. On aurait tort cependant d’y voir la main de cette ultra-gauche qui hante l’imaginaire policier. Ce qui se joue dans la multiplication des occupations, dans l’exigence d’horizontalité et le rapport pragmatique à la violence, c’est l’actualisation de l’hypothèse autonome formulée dans la seconde moitié du xxe siècle. L’autonomie n’est en effet ni un mouvement, ni une idéologie. Née, dans l’après-guerre, en opposition au renoncement des organisations politiques et syndicales à prendre effectivement le parti des dominé.e.s, elle représente la tentative sans cesse réinventée de concilier libération individuelle et émancipation collective, à l’heure où le système capitaliste et sa discipline se sont disséminés dans toutes les facettes de la vie.

Des « années de plomb » italiennes au mouvement des squats, en passant par les luttes antinucléaire, homosexuelle et féministe, Julien Allavena retrace la généalogie de cette hypothèse stratégique, au ras des expériences qu’elle a nourries. Il met ainsi au jour ses apories originelles et fraye les voies de leur dépassement.

Le 15 mars 1928

Le 15 mars 1928 évoque une journée de répression. Ce jour-là, 1 600 militants communistes et socialistes, accusés de vouloir renverser le cabinet conservateur de Giichi Tanaka, sont arrêtés par la police japonaise et jetés en prison. La petite ville d’Otaru est le théâtre d’une des rafles les plus importantes du pays. C’est là que vit Takiji Kobayashi, employé de banque et militant ouvrier. Alors que les journalistes se taisent, il décide de raconter ce qu’il a vu et ce qu’il sait, en écrivant ce premier roman en forme d’enquête. Saisi et censuré dès sa parution, le livre documente la barbarie des violences policières et la vie ordinaire de ceux qu’elle mutile. Traduit pour la première fois en langue française, il peint un portrait collectif de la classe ouvrière, sobrement, en quelques fragments intimes, dans le huis clos d’une prison.

Cinq ans après la rédaction du 15 mars 1928, l’auteur du Bateau-usine et du Propriétaire absent, âgé de 29 ans seulement, meurt sous les coups de la police.

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Bâtonner

« Bâtonner », c’est copier-coller une dépêche en la remaniant à la marge. Symptôme ordinaire d’une dépossession des travailleurs, le bâtonnage illustre ce que l’argent fait au journalisme : la concurrence s’intensifie, la production de contenus s’accélère, l’information en vient à être usinée en série. Et tandis que les éditorialistes pontifient, les petites mains de la profession, de plus en plus précaires, perdent le sens de leur métier. La fusion du néolibéralisme et du numérique détériore la nature de leur travail et les conditions de son exercice. Dès lors, pourquoi les journalistes continuent-ils à consentir à ce qu’ils font ?

Fruit d’une longue enquête, ce livre décrit les ressorts de l’aliénation d’une profession déqualifiée et disqualifiée, qui certes proteste mais continue de se croire indispensable à la vertu publique. Toujours plus prompte à « décoder » les fake news des autres, elle en oublie que le journalisme-marchandise n’est pas l’ami du peuple, mais un vice qui corrompt la pensée et, avec elle, la possibilité de la démocratie.

L’Occident, les indigènes et nous

À partir des années 1980, l’idée s’est peu à peu imposée : le clivage politique fondamental ne serait pas de nature idéologique – opposant le capitalisme au socialisme – mais civilisationnel. Cette conception, formulée notamment par Samuel Huntington, divise le champ politique entre d’un côté les tenants d’une vision sécularisée des rapports entre les hommes et les sociétés – « l’Occident » –, et de l’autre les défenseurs d’une conception religieuse ou « indigène ». Or de manière paradoxale, elle semble également s’être imposée au sein de courants intellectuels et politiques qui, considérant que l’accroissement de la domination de l’homme sur la nature est indissociable de celle de l’homme sur l’homme, érigent la pratique indigène en figure principale de l’opposition à la logique du capitalisme.
Mais la perpétuation de la guerre et de la servitude dans
l’histoire de l’humanité procède-t-elle vraiment de la diffusion
des appareils conceptuels produits par l’Occident ?
Étudiant les déterminants des trois mouvements historiques que sont le développement du capitalisme, la colonisation des Amériques et la traite atlantique, Ivan Segré montre qu’il n’en est rien, et que seul le recours à des facteurs d’un autre ordre – les comportements économiques prédateurs et la xénophobie – rend intelligible le cours de l’histoire.

Sophie Eustache

Diplômée de l’Institut européen de journalisme, promotion «Yannick Bolloré», Sophie Eustache est journaliste. Elle écrit dans la presse professionnelle (Industrie & Technologies), syndicale (La Nouvelle Vie ouvrière) et généraliste (Le Monde diplomatique). Elle est aussi l’autrice d’un ouvrage jeunesse sur les conditions de fabrication de l’information (Comment s’informer, Éditions du Ricochet) et coanime sur Fréquence Paris Plurielle l’émission La suite au prochain numéro.

Islam et Prison

Soulever la question de la religion en prison, c’est immédiatement évoquer la surreprésentation supposée des musulmans et leur non moins supposée dangerosité potentielle. La cause semble entendue : les prisons françaises sont le creuset de la radicalisation, des « universités du djihad ». L’incarcération de plus de 500 personnes pour faits de terrorisme islamiste depuis 2014, les agressions de surveillants par des détenus radicalisés n’ont fait qu’amplifier l’anxiété générale.

Mais la peur est mauvaise conseillère. Car c’est le spectre du terrorisme qui a fait naître ces idées fausses sur l’islam et les musulmans incarcérés. C’est encore lui qui a été le moteur de l’organisation  d’une offre institutionnalisée d’islam dans les prisons.

Cet ouvrage ne se contente pas de combattre les idées reçues. Il interroge la manière dont la prison conditionne la pratique religieuse. Si elle favorise une intensification du rapport au religieux, c’est peut-être que celui-ci s’offre comme une ressource pour affronter l’épreuve carcérale. Et, à travers cette intensification, qui peut se faire pour le pire comme pour le meilleur, se lit aussi la faillite de notre prison, qui n’a de républicaine que le nom.