Couverture poche Brouillards toxiques. Motif poche écailles violet lavande et vert acidulé

Alexis Zimmer,

Brouillards toxiques

Vallée de la Meuse, 1930, contre-enquête

« Chère petite Yvonne. Tu imagines sans peine dans quels sentiments j’ai été ce matin, quand j’ai appris par les journaux qu’un brouillard empoisonné s’étendait sur la Belgique et le nord de la France, qu’il paraissait s’avancer vers Paris… Je songe à notre Pierrot, si exposé aux crises d’asthme… C’est une histoire abominable. J’attends avec impatience de savoir ce que diront les journaux de demain. Ici, il y a aussi un peu de brouillard, et la température est plutôt douce. Que n’êtes-vous tous auprès de moi, loin de cette Europe où traînent encore les miasmes et les gaz de la guerre ! »

Du 1er au 5 décembre 1930, un brouillard épais se répand dans la vallée de la Meuse, non loin de Liège. Hommes et bêtes sont profondément affectés lors de sa survenue, et ils sont nombreux à y laisser leur vie. Après sa dissipation, des experts tranchent : « le seul brouillard » est responsable. Pourtant, sur place, nombreux sont ceux à incriminer les émanations des usines de la région, l’une des plus industrialisées d’Europe. Un an plus tard, des experts du parquet rendent d’autres conclusions : la consommation massive du charbon et les composés soufrés des émanations industrielles sont mis en cause.
L’exceptionnalité de l’événement est cependant attribuée à la prédisposition des corps et aux conditions météorologiques particulières de cette première semaine de décembre 1930. Mais comment du « charbon » en vient-il à participer à la production de brouillards et à rejoindre ainsi, jusqu’à tuer, les poumons de ceux qui se sont retrouvés contraints de le respirer ? Ces liens « charbon-brouillards toxiques-poumons » n’ont rien d’évident. C’est à tenter de reconstituer les conditions historiques de leurs constructions que s’attache cet ouvrage. En considérant cette catastrophe dans le temps long nécessaire à sa production ; en suivant la piste des matières de sa constitution ; en étudiant le rôle et les effets des pratiques savantes, Brouillards toxiques permet de comprendre la transformation conjointe, par l’industrialisation, des corps et des environnements et la production de nouveaux phénomènes météorologiques.

Couverture © Sylvain Lamy