Société Réaliste,
Empire, State, Building
L’ouvrage Empire, State, Building se propose de faire dialoguer différents aspects de la pratique de la coopérative artistique Société Réaliste, fondée à Paris en 2004 par Ferenc Gróf et Jean-Baptiste Naudy.
L’orientation du travail de Société Réaliste est ainsi présentée par Olivier Scheffer, dans sa contribution à l’ouvrage : « On saura gré à Société Réaliste de remettre la question politique sur le devant de la scène artistique en interrogeant les formes qui sous-tendent les idéologies du monde moderne et contemporain. En déployant un ensemble apparemment hétéroclite d’objets et de théories, presque un cabinet de curiosités politiques, cette jeune coopérative artistique se donne pour tâche de penser les liens entre la production de formes et leur économie. Cette problématique éminemment actuelle, urgente même (comment se construit et se fantasme le pouvoir artistique, financier ou politique ?), conduit à interroger les couleurs et les emblèmes de la Révolution, l’histoire géopolitique des frontières, les conditions d’accès à la nationalité, les phénomènes d’isolation structurelle ou encore la porosité entre les idéologies fascistes et libérales. » Société Réaliste procède à une mise en lumière et une mise en question, une « clinique » et une « critique », des formes de l’idéologie par leur imitation ou duplication parodique. (Société Réaliste a ainsi fondé un « Ministère de l’Architecture », institué une « EU Green Card Lottery » ou encore proposé une collectivisation des banques avec son projet « Over The Counter ». Ses propositions de lois n’ont jusqu’à présent pas été considérées par les institutions auxquelles elles ont été adressées.) Le travail de Société Réaliste s’ancre dans l’étude de l’inscription matérielle – dans le langage, dans l’architecture, dans les institutions – de cette idéologie. Il s’agit, pour reprendre l’expression de Giovanna Zapperi, d’« interroger la modernité et ses mythes, s’attachant à la culture visuelle en tant qu’acteur et matrice idéologique ». Ainsi se révèle la curieuse temporalité de l’idéologie, faite de « retours, de hantises, d’effacements et de répétitions », mais aussi de circulations étonnantes – entre le communisme et le libéralisme, entre les utopies et leur renversement dans le capitalisme. Société Réaliste se nourrit d’histoire, de philosophie, du discours des institutions officielles, et c’est cette multiplicité de sources qui donne à ses productions – textes, œuvres graphiques ou expositions – leur richesse, leur foisonnement et leur pittoresque. Éprouver l’épaisseur temporelle et fantasmatique des formes présentes de l’idéologie ouvre la possibilité d’un jeu, d’une mise en œuvre décalée de ces formes qui nous en révèle le sens et nous en émancipe. Ce décalage et cette exploration, ludique en même temps que profonde, Société réaliste les met en œuvre à travers des expérimentations langagières, typographiques, visuelles, à travers la production de dispositifs ou de structures institutionnelles provisoires.
Empire, State, Building est ainsi un objet à multiples facettes qui se répondent les unes les autres, composé de textes de Société Réaliste et de vues d’expositions ou d’oeuvres graphiques, mais aussi de textes sur leur travail : un texte de l’historienne de l’art Giovanna Zapperi, un autre d’Olivier Scheffer, mais aussi un texte de Jozsef Mélyi.