Filippo Del Lucchese,
Tumultes et indignations
Conflit, droit et multitude chez Machiavel et Spinoza
S’il est deux expressions qui reviennent en permanence dans la pensée politique aujourd’hui, ce sont sans doute celle de « crise » et de « puissance ». En quoi ces deux notions, loin de s’opposer, se nourrissent-elles mutuellement, au point de former une boucle conceptuelle qui a dynamisé tout le développement de la modernité ? En quoi est-ce en entrecroisant les pensées de Machiavel et de Spinoza que l’on peut le mieux comprendre cette solidarité profonde entre crise et puissance ? Telles sont les questions qui servent de fil rouge à ce livre qui s’adresse à la fois aux amateurs d’histoire de la philosophie et aux esprits avides de mieux comprendre les ambivalences de la modernité.
En mettant en scène un dialogue conceptuel entre Machiavel et Spinoza, Filippo del Lucchese court-circuite quelques-unes des oppositions les plus largement répandues et néanmoins les plus aveuglantes : il montre que la « nécessité » spinozienne n’est nullement incompatible avec la « contingence » machiavélienne, mais que toute intervention politique doit au contraire savoir exploiter des développements nécessaires pour être à même de saisir l’occasion de changer le monde. De même ne faut-il jamais opposer « la logique des institutions » (collectives) à « l’économie des affects » (individuels) : on ne peut commencer à se repérer dans le champ politique qu’en prenant conscience qu’elles constituent les deux faces d’une même pièce. Ce livre nous montre que le tumulte n’est pas synonyme de « chaos » et que l’indignation ne se réduit jamais à une simple « passion ».
C’est seulement en prenant la mesure du tumulte des crises et en s’appuyant sur la puissance rationnelle des indignations que peuvent s’imposer ensemble la nécessité et la possibilité d’une transformation radicale de nos sociétés.